BACKBONE

Screenshot du jeu. Quel style !

BACKBONE : Jeu indé du genre RPG/aventure narrative/point n’click, sorti en 2021 sur PC, Xbox et Playstation à l’aide d’un financement participatif, développé par EggNut et édité par Raw Fury. Environ 3/4H de jeu. PEGI 18 au vu des thèmes abordés. A noter qu’un préquel va sortir d’ici 2023 baptisé « Tails: The Backbone Preludes » et proposera une expérience de gameplay améliorée qui mettra en lumière le passé de ses principaux protagonistes.

Alors voilà, si vous avez toujours rêvé d’être un raton laveur en imper façon Colombo, ce jeu est fait pour vous!

Comprenez par-là : si vous avez toujours rêvé d’être un enquêteur au charme sauvage, le poil au vent, la langue bien pendue et le nez baladeur. Car OUI, en incarnant Howard Lotor, (ou Wallace Brotor c’est au choix) vous pourrez faire parler l’animal en vous et renifler les preuves comme tout bon raton qui se respecte. Ça paraît anodin, mais c’est un de ces petits détails qui font le croustillant du jeu. Je viens de finir cette aventure dans le gamepass, et je dois dire que je suis à la fois charmée et dubitative. Une chose est certaine c’est qu’à moins d’être blasé.e on ne peut pas rester indifférent.e.s à ce jeu, qu’on ait aimé l’expérience ou non, on reste comme hanté.e.s par les interrogations soulevées par cette histoire. Mais passons à la phase de décorticage :

L’histoire: Vous êtes Howard Lotor. Un raton laveur alcoolique et détective privé dans un Vancouver dystopique peuplé d’animaux anthropomorphes sous la gouvernance des grand singes tyranniques. Alors que vous prenez un bain tranquille, le téléphone sonne. Une nouvelle affaire se présente. Odette débarque et vous demande de retrouver son mari qu’elle soupçonne être adultère. La routine à priori, il faut bien gagner sa vie. Après l’avoir congédiée, vous appelez votre meilleur pote chauffeur de taxi qui s’avère être le père castor. En aussi bavard et soporifique. Très vite, en remontant la trace de la loutre adultère au chapeau vert, vous pigez bien trop tard que vous mettez les pattes dans une affaire bien plus sombre et tentaculaire que la banalerie habituelle. C’est parti pour une sssssssplendide et inéluctable descente aux enfers !

La beauté de ce pixel art!

La D.A (Direction Artistique) : Du grand art! Rien à redire sur la qualité visuelle de ce jeu pour ma part! Backbone s’inspire ouvertement de l’atmosphère du roman noir via une esthétique post soviétique. Superposer des effets 3D (pluie battante, brouillard, néons,…) à un pixel art en haute résolution est clairement une idée de génie pour insuffler de la « vie » aux décors en 2D. Ajouter des éléments tels que des voitures, des passants, ect… En mouvement sur plusieurs plans pour les dissocier est très efficace pour donner une illusion de profondeur réaliste. Substituer les traditionnelles cinématiques du RPG par des illustrations de type comics aux moments importants de l’histoire participe à façonner son identité visuelle assez unique. Unique certes, mais pas sans évoquer la bande dessinée Blacksad. Dans mes réfs personnelles, je compte aussi le club Cocobongo dans le film « The Mask » ou encore la série Stranger Things. « Déso pas déso », on a les réfs que l’on mérite sacrebleu !

Le gameplay: On attaque l’aspect le moins reluisant du jeu ! Techniquement, c’est un jeu d’enquête narratif assez linéaire. Un peu d’exploration mais surtout pas mal de dialogues. Aucun problème de ce côté-là, le contrat est respecté. Je dirais même plus que ceux-ci sont très bien écrits, plutôt réalistes, et souvent humouristiques. Comme il s’agit de dialogues à choix multiples, on se croit aux commandes d’un personnage dont on va pouvoir participer à forger la destinée à l’instar des « Livres dont vous êtes le héros ». Quel sentiment d’immersion cela procure! Un vrai plaisir! On se dit: « Incroyable! Si je choisis cette réplique, ça va provoquer une apocalypse, un bisou ou une baston! SPOILER ALERT! C’est non.

Encore un énième RPG qui ne vous donne que l’illusion d’être impactant. Quelle déception! Rien de ce que vous choisirez comme ligne de conduite pour Howard ne changera les évènements pré établis par le scénario. Tout juste un changement dans les relations entretenues avec les autres personnages. Ce qui nuancera ma critique négative, c’est le budget très limité du jeu qui peut certainement expliquer ce manque d’ambition. Espérons que dans le prochain opus, cela soit corrigé, car de mon point de vue le jeu était à CA de devenir culte! A ma connaissance, le seul jeu vidéo du genre qui ait réussi cet exploit de ramification de l’intrigue avec brio, c’est Disco Elysium. (Le tout premier jeu que j’ai streamé sur Twitch qui met également en scène un anti héros/enquêteur de police/alcoolique dans un univers dystopique post soviet… Oui j’ai un goût certain pour le spleen à paillettes).

A noter un choix judicieux dans l’emploi de la musique jazz, qui utilisée aux bons moments vient soutenir l’immersion dans cette atmosphère de polar noir. Certaines chansons sont très agréables à écouter portées par la voix suave d’Arooj Aftab, et les compositions du game director Nikita Danshin.

La plupart du temps, vous aurez le choix entre être un gentil, un enfoiré de base ou un rigolo! Et c’est déjà pas mal!
Fouiller dans les affaires des gens, la base de votre ativité.

Conclusion: (SPOILER!) Impossible de vous donner mon avis sans aborder la deuxième moitié du jeu. L’enquête d’Howard l’achemine vers un club, The Bite, où se côtoient gratin et démunis. En fouinant, on découvre que la tenancière se sert de ce lieu comme couverture pour son commerce de cococaïne, et que non contente de se débarrasser des indésirables, elle les revend ensuite sous forme de steak aux grands carnivores qui forment l’élite de la société. (Un concept déjà très bien exploité par le manga Beastard que je vous recommande fort!)

Après avoir digéré cette découverte à l’aide d’une bonne cuite, sans mauvais jeu de mot, Howard fait la rencontre de Renée, renarde journaliste qui a soif de vérité. En partageant leurs indices, leur enquête va les conduire à la cité des sciences où le gouvernement a eu l’idée de cacher une forme de vie inconnue qui parasite son hôte en transformant son A.D.N.

Malheureusement pour notre raton laveur, il devient malgré lui le nouvel hôte de ce parasite, et de ce fait un cobaye de laboratoire. Un plot twist un peu trop brutal et maladroitement orchestré. Jusqu’ici, l’ensemble était cohérent et intriguant, surtout quand on apprend que ce parasite a été trouvé au-delà des murs infranchissables de la ville dont on ne sait rien… Mais voilà, ça tombe un peu à plat quand Howard apprend qu’il ne survivra pas à sa métamorphose. Le suspense n’y survivra pas non plus, emportant tout l’intérêt dans son sillage.

Le reste ne sera que DRAMA cristallisé par une suite de dialogues méta-psycho-philosophiques. Ce qui était un subtil jeu de pistes devient alors un trip Kafkaïen à peine compréhensible en raison d’une bien piètre qualité d’écriture qui tranche nettement avec le reste de l’aventure. On nous spammera ainsi des « je pense donc je suis » jusqu’à l’écran de fin, où l’on assiste impuissant.e au décès d’un Howard monstrueux en plein désert. Est-ce que cela déguise un cruel manque de consistance/direction du scénario ou bien un mal nécessaire du fait du manque de ressources de la part du studio? Faute d’idées ou faute de moyens, pour ma part, la fin du jeu a été une grosse désillusion. Certes, le ton du jeu est résolument fataliste depuis la première heure, et le cadre mis en place est propice à la réflexion, mais cette façon de l’introduire à la truelle est quelque peu grossière.

Heureusement, le titre permettra peut-être de mieux saisir le sens voulu de l’histoire. En effet, Backbone signifie « colonne vertébrale« , or c’est précisément à cet endroit que le parasite trouvera refuge, amas de chair flasque et difforme, comme un symbole du poids de l’existence sur les épaules de notre infortuné Howard. Mais « backbone » désigne également en jargon informatique le cœur d’un réseau. La structure d’un réseau informatique peut être mise en parallèle avec celle de la société. Ainsi, chaque action au niveau individuel impacte fatalement les autres, les petites histoires de chacun.e ramifiant l’Histoire avec un grand « H », un peu comme l’imbrication d’un réseau.

Merci d’avoir lu, et n’hésitez pas à laisser vos impressions et avis en commentaires si le coeur vous en dit, cela m’intéresse toujours de vous lire.

Signé votre dévouée Orion Jour-De-Plume.

Cette atmosphère délabrée qui met bien en relief les disparités entre les castes.

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